Crise dans la filière agriculture biologique : Les propositions de la FNSEA

La FNSEA a déjà alerté à plusieurs reprises les pouvoirs publics des déséquilibres de marché qui existent dans plusieurs filières en agriculture biologique, comme le lait, les œufs, les fruits et légumes ou encore les viandes dans lesquelles, les producteurs font face à des déclassements de leurs produits. Cela s’ajoute au durcissement du cahier des charges de l’agriculture biologique avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement européen, qui présente un risque de déconversions dans le secteur.

La nécessité de revenir à un équilibre des marchés dans les filières AB

La FNSEA a déjà alerté à plusieurs reprises les pouvoirs publics des déséquilibres de marché qui existent dans plusieurs filières en agriculture biologique, comme le lait, les œufs, les fruits et légumes ou encore les viandes dans lesquelles, les producteurs font face à des déclassements de leurs produits. Cela s’ajoute au durcissement du cahier des charges de l’agriculture biologique avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement européen, qui présente un risque de déconversions dans le secteur de l’élevage allaitant. De même, les producteurs engagés dans le bio sont comme en conventionnel touchés de plein fouet par l’augmentation des charges, qui sera nécessairement accrue par le conflit ukrainien. L’équilibre économique des filières doit demeurer une priorité pour parvenir à un développement durable et responsable de la production biologique.

Depuis plus d’un an, les filières bio connaissent un ralentissement important de la consommation. C’est le cas du lait bio avec une collecte qui ne cesse de croître, elle s’est élevée en 2020 à 1,14 millions de tonnes, soit une hausse de 11,7% par rapport à 2019. Ce lait biologique a représenté 4,6% de la collecte nationale en 2020. Fin 2022, et d’après les volumes déclarés en conversion, la collecte pourrait atteindre 1,35 milliards de litres, soit une hausse de 22% par rapport à son niveau de 2020. C’est près de 4 400 producteurs qui seraient collectés à cette date (+10% par rapport à 2020).

En prenant comme hypothèse une collecte laitière française stable sur les 2 années à venir, le lait de vache bio représenterait alors 6% de la collecte totale, tout cela sans nouveaux débouchés pour les laiteries, qui ont ainsi stoppé les conversions. A ce titre, Lactalis prévoit le déclassement en conventionnel de 30 à 40% de sa collecte de lait bio en 2022[1]. Une situation qui peut vite dégénérer comme l’illustre la dizaine d’agriculteurs laitiers vosgiens engagés en agriculture biologique dont l’entreprise gérant la valorisation du lait biologique a dénoncé ses accords de collecte auprès de leur coopérative. Leur lait n’est donc plus valorisé en bio depuis le 1er janvier 2022. Entre 8 et 10 millions de litres de lait bio vosgien sont partis dans le circuit conventionnel.

C’est aussi le cas de la filière des œufs biologiques, qui est tout particulièrement concernée par un déséquilibre très important du marché, et ceci depuis plusieurs mois. Elle est non seulement confrontée à une crise de surproduction sans précédent mais elle doit aussi, depuis le début 2022, absorber une hausse inédite de son coût de production : + 26 % (+ 4,3€/100 œufs) du seul fait du nouveau Règlement européen (source ITAVI) ainsi qu’une forte augmentation des coûts de production causée notamment par la hausse continue du prix des matières premières composant l’alimentation des poules pondeuses (+32,5 % entre octobre et décembre, source : UGPVB) et de la hausse des coûts de l’énergie. Sur les sept premiers mois 2021, la vente d’œufs bio en GMS a régressé de – 7.5 % comparativement à 2020. Le nombre de poules biologiques en excédent face aux besoins actuels du marché est estimé à 1,15 million de sujets (soit 14% de l’effectif total en poules bio ou l’équivalent de la production de 140 exploitations de taille moyenne).

Pour la filière fruits et légumes biologiques on constate entre janvier et octobre 2021 une baisse des achats en volume de – 9,5%/2020 et de – 4,7%/2018-20 et une baisse des achats en valeur de – 7,9%/2020 et – 0,6%/2018-20. En conclusion sur janvier-octobre, il y a une baisse des achats en volume et en valeur par rapport à 2020, mais attention aux comparaisons avec l’année 2020 compte tenu des deux périodes de confinement qui avaient engendré une hausse des achats de produits biologiques. On observe une réduction des parts de marché des fruits et légumes bio par rapport à leur croissance durant la période 2017-2019 et une fréquence d’achat inférieure à 2019 (avant crise sanitaire).

Enfin, la filière viande bovine biologique est également en difficulté, avec 20 % de la production qui se trouverait déclassée[2] à un prix inférieur au bio, alors même que les prix de la viande bio sont déjà très en deçà des coûts de production (leur publication devrait intervenir prochainement conformément à EGAlim). La baisse des achats en GMS est estimée entre 13 % et 15 %.

La mise en place de la nouvelle réglementation sur l’agriculture biologique aura des impacts financiers directs (notamment pour la mise aux normes des bâtiments) mais aussi indirects. En effets, les animaux risquent d’être moins bien finis (finition à l’herbe plus complexe dans certains territoires), avec un risque de sortie de ces animaux du circuit bio et il faut craindre une fuite d’autant plus importante que celle existante (142 000 animaux par an selon Interbev) vers le conventionnel.

Alors même que les Français déclarent valoriser les produits locaux et les labels, le bio ne semble plus être autant privilégié. Entre crise d’identité, concurrence de nouvelles promesses et tensions financières, le développement du bio subit de front plusieurs freins avec des conséquences sur les producteurs agricoles.

Le ministère de l’Agriculture mise sur la communication, mais n’apporte, pour le moment, aucune réponse sur le volet « offre »

  • Les actions envisagées pour stimuler la demande

Au regard de la situation décrite précédemment, les filières biologiques doivent être exemplaires dans la mise en œuvre d’EGAlim 2, notamment pour l’élaboration et la diffusion des indicateurs de coût de production et de marché par toutes les interprofessions afin de servir à la construction du prix ainsi qu’à l’analyse objective des marchés. Pour autant, nous avons conscience que face à la situation de déséquilibre des marchés, cela ne peut pas être la seule et unique solution.

Nous appelons à la construction d’une communication générale et générique sur les bénéfices de l’agriculture bio sans pour autant stigmatiser l’agriculture conventionnelle. En outre, la FNSEA souhaite que soient identifiées des solutions pour lutter contre la multiplication des labels qui contribue à entretenir un flou sur les atouts du label AB.

Le ministère a déployé un gros travail sur l’amélioration de la communication pour stimuler la demande. L’enveloppe supplémentaire annoncée lors des 20 Ans de l’Agence bio allouée à l’Agence a été doublée et passe ainsi à 400 000 €. Ce budget sera dédié au déploiement d’une campagne de communication, dont l’ensemble des interprofessions (Cniel, Interfel, Interbev, Cnpo, Synalaf, Cnipt, Intercéréales, Terres Univia) s’engagent à déployer et relayer les contenus de la campagne dans leurs actions de communications. Le montant total de cette campagne est estimé à 1 million d’euros, avec les contributions exceptionnelles des interprofessions CNIEL et Intefel ainsi que Natexpo-Maison de la Bio.

  • La FNSEA souhaite que ne soit pas mis de côté le volet offre pour résoudre la crise

Lors de la négociation sur la PAC, la FNSEA avait alerté sur les prémices de la crise et avait demandé des engagements sérieux pour atténuer l’impact des excès de production qui pèse sur le marché de la bio. Par exemple, avec des adaptations de l’aide à la conversion (critère d’éligibilité pour l’accès à la CAB, réutilisation des fonds non utilisés pour rémunérer les aménités positives des fermes déjà engagées en bio).

La Restauration Hors Foyer est aussi un levier important. Une enquête en ligne du ministère de l’Agriculture sur la restauration collective en France permet d’estimer à 10% le taux global des dépenses en produits biologiques pour 2019. Il est de 15% pour le secteur scolaire et 4,5% pour les autres secteurs réunis, tirés vers le bas par le secteur médico-social (taux inférieur à 2%). Alors que l’objectif est fixé à 20 % de produits biologiques en restauration collective depuis le 1er janvier 2022, ce taux de 10% est probablement surévalué car basé sur les répondants qui sont potentiellement les plus motivés et avancés dans le suivi des objectifs. On peut considérer par comparaison, le taux évalué à partir de données fournies par quelques grands comptes de la restauration collective, représentant plus de 20% des repas de la restauration collective, qui est inférieur et se situe à 5% pour le bio et à 6% pour les autres produits de qualité. Ces chiffres montrent que l’objectif fixé par EGAlim est loin d’être atteint et représente un levier à exploiter.

Demandes clefs

  • La mise en œuvre de la loi EGAlim 2 doit s’appliquer aux produits biologiques :
    • Construction d’indicateurs de coût de production et de marché et diffusion par les interprofessions.
    • Contractualisation à tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement alimentaire avec prise en compte de ces indicateurs et de la non-négociabilité de la matière première agricole.
    • Engagement de toutes les formes de distribution à ne pas prendre plus de marges sur les produits issus de l’agriculture biologique que sur les produits conventionnels.
  • Les travaux de l’Observatoire de la Formation des Prix et des Marges doivent mettre en évidence plus clairement les marges observées dans le secteur de la grande distribution sur les produits biologiques et des décisions doivent être prises en conséquence.
  • La solution à la crise actuelle ne pourra pas uniquement résidée dans la communication grand public avec l’ambition de stimuler la demande, il faut également travailler sur le volet offre. Ainsi la FNSEA reste inquiète quant à l’enveloppe conséquente dédiée à l’aide à la conversion (CAB) dans la PAC. La FNSEA souhaite que des critères d’éligibilité assez stricts soient mis en place pour décider de l’accès à la CAB. La FNSEA souhaite également que les fonds non utilisés sur la CAB puissent être fléchés pour rémunérer les aménités positives des fermes déjà engagées en bio.
  • Dans ce contexte économique compliqué et avec une augmentation des charges importante qui touche tout autant les agriculteurs engagés en AB, une réflexion sérieuse doit être envisagée pour soutenir certains producteurs qui disposent de trésorerie particulièrement exsangue.
  • La restauration collective constitue un levier important pour écouler les produits qui ne trouvent pas de débouchés en GMS. En effet, grâce à la mise en œuvre de la loi EGAlim, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d’une mission de service public devront compter 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques depuis le 1er janvier 2022. En 2024, les opérateurs de la restauration collective privée devront également remplir cette obligation. La FNSEA considère ce débouché de marché comme essentiel pour les producteurs bio, à condition de privilégier les produits français. Pour cela il est impératif d’accompagner financièrement cette montée en gamme des produits servis en restauration collective. La FNSEA demande clairement que des moyens plus importants soient pourvus dans les budgets alloués à la restauration collective. En complément, nous incitons tous les opérateurs à poursuivre le travail engagé sur les clauses à intégrer dans les réponses aux appels d’offre et permettant de privilégier les produits bios et français.
  • Dans la continuité de la précédente demande, il faut souligner que le bio est un facteur clef de la souveraineté alimentaire. En effet, 80% du bio consommé en France est produit nationalement en dehors des produits tropicaux non produits en métropole. Le label AB doit être identifié comme un gage d’agriculture locale. Par conséquent, l’étiquetage de l’origine des produits bruts comme transformés issus de l’agriculture biologique est une impérieuse nécessité pour répondre aux attentes du consommateur qui souhaitent consommer français.
  • En lien avec les conseils spécialisés de FranceAgriMer, les interprofessions doivent réaliser un suivi précis des niveaux de consommation et de production. Dès lors qu’il y a un risque avéré de déséquilibre, il faut gagner en réactivité. Justement, dans le cadre de la nouvelle PAC, le règlement sur l’Organisation Commune des Marchés (OMC) nous donne des outils permettant de gérer de manière plus réactive les déséquilibres de marché pour les produits sous signe de qualité, tels que les produits biologiques. Ces réflexions autour d’une meilleure gestion de nos volumes doivent avoir lieu au sein de nos interprofessions.

[1] https://www.letelegramme.fr/economie/la-crise-du-lait-bio-risque-de-durer-27-02-2022-12929629.php#:~:text=Premier%20transformateur%2C%20Lactalis%20pr%C3%A9voit%20de,pourrait%20encore%20d%C3%A9grader%20la%20situation

[2] Chiffres en cours de validation

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