L’ancienneté comme critère de différence de traitement de ses salariés

la rubrique de Jonathan

Moyen de subsistance du salarié, le salaire est le substrat de nombreux litiges. C’est en particulier l’égalité entre les salariés dans leur rémunération qui, surtout dans les petites structures où tout le monde se connait, peut susciter beaucoup d’interrogations.

L’illustration est classique. Paul emploie deux salariés : Thomas et Grégoire, qui sont Palier 5 avec 40 points tous les deux. Malgré l’identité de coefficient, Grégoire constate que Thomas perçoit un taux horaire près de 10% supérieur au sien. Paul est embarrassé, car Grégoire le prend très mal et le menace de le poursuivre au conseil de prud’hommes si l’écart n’est pas rapidement comblé.

Grégoire peut-il avoir gain de cause ? Comment Paul peut-il se défendre ?

Avant toute chose, rappelons qu’un salarié dispose du droit à former un recours devant le juge afin d’ordonner la communication d’éléments, tels que des bulletins de salaire d’autres salariés de la structure, afin de prouver qu’il est bel et bien traité différemment des autres salariés.

Ensuite, souvenons-nous que par principe, les salariés doivent effectivement être uniformément traités. En particulier, lorsqu’il s’agit de deux salariés effectuant le même travail, le principe « à travail égal, salaire égal » trouve à s’appliquer. Mais quelle est la portée de ce principe ? Ne pouvons-nous pas estimer qu’il est parfois juridiquement possible de mieux rémunérer un salarié plutôt qu’un autre en dépit du fait qu’ils accomplissent exactement le même travail ?

En réalité, ce principe fondamental d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que l’on tienne compte de certains critères objectifs afin de justifier une différenciation des rémunérations, si tant est que ces critères soient pertinents. L’ancienneté fait partie de ces critères objectifs suffisamment pertinents pour être admis par la jurisprudence.

Dans notre exemple, Thomas a 10 ans d’ancienneté. Grégoire, lui, n’a qu’un an d’ancienneté. Paul peut donc justifier cette différence de traitement en se fondant sur le critère de l’ancienneté.

Deux points d’alerte, toutefois :

  • Si d’aventure, l’employeur verse déjà une prime d’ancienneté distincte du salaire de base, alors il est impossible d’utiliser ce critère pour justifier une différence de traitement dans le salaire, car l’ancienneté est déjà « récompensée » par un accessoire de salaire.
  • L’employeur doit constituer un dossier et garder des traces formelles des calculs et des critères qu’il retient pour justifier ultérieurement les éventuelles différences de traitement. Cela vaut pour n’importe quel élément de salaire : salaire de base, primes, avantages… En cas de conflit, ces éléments serviront à se souvenir des critères qui avaient été retenus au moment de la prise de décision.

Jonathan Dubus
Juriste – Droit du travail – Droit des contrats

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