Olivier, propriétaire-exploitant a décidé de vendre ses terres agricoles mais ces dernières sont situées dans une aire d’alimentation de captage d’eau potable. La commune souhaite préempter. En a-t-elle le droit ?
Oui, la loi d’engagement et de proximité du 27 décembre 2019 a créé un droit de préemption au profit des collectivités territoriales compétentes sur les terres agricoles situées dans les zones de captage d’eau potable. Ce droit devient effectif par la publication du décret d’application au Journal Officiel le 11 septembre 2022.
Concrètement comment cela se passe ?
Au préalable, la collectivité territoriale compétente en matière de gestion des eaux (commune, groupement de communes ou un syndicat mixte) doit demander au préfet d’instituer un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’aire d’alimentation des captages utilisés pour l’alimentation en destinée à la consommation humaine (voir la procédure dans l’encadré)
Ce droit de préemption, calqué sur celui de la SAFER, vise les aliénations à titre onéreux d’immeubles à usage ou à vocation agricoles des bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole ainsi que les aliénations à titre onéreux d’usufruit et de nue-propriétaire sous certaines conditions. Il peut également s’appliquer aux ventes par adjudication. Les propriétaires, comme Olivier qui souhaitent vendre, doivent adresser une déclaration préalable au titulaire du droit de préemption, dont le contenu doit être précisé par arrêté ministériel. Le silence de la collectivité pendant deux mois vaut renonciation à l’exercice de son droit. Le décret précise la liste des pièces que la collectivité peut demander au vendeur.
Lorsqu’elle envisage d’acquérir le bien, cette dernière doit transmettre une copie de la déclaration d’intention d’aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La déclaration, qui doit faire l’objet d’une publication, doit également être notifiée au vendeur, au notaire et à la Safer.
Ce droit de préemption au profit des collectivités publiques prime le droit de préemption de la SAFER mais pas celui du fermier en place.
Destination des biens préemptés
Les biens acquis sont intégrés dans le domaine privé de la collectivité qui les acquièrent. Ils ne peuvent être utilisés qu’en vue d’une exploitation agricole compatible avec l’objectif de préservation de la ressource en eau.
S’ils sont mis à bail, les baux doivent comporter des clauses environnementales de manière à garantir la préservation de la ressource en eau. Lorsqu’un bail est déjà en cours, de telles clauses doivent être introduites au plus tard lors de son renouvellement.
La collectivité peut vendre les terrains, mais à la condition de les soumettre à une obligation réelle environnementale(servitude sur le bien immobilier) opposable aux acheteurs successifs. Les terrains acquis peuvent aussi être mis à disposition des Safer dans le cadre de conventions.
Une protection superfétatoire
Les périmètres de protection rapprochée des points de prélèvement en eau destinée à l’alimentation humaine pouvaient déjà faire l’objet d’une procédure de préemption urbain au profit des collectivités publiques (article L 211-1 du Code l’urbanisme).
De même, pour s’assurer que les modes d’utilisation du sol préservent la qualité de la ressource en eau, la déclaration publique des travaux de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation humaine peut interdire ou réglementer dans ces périmètres, toutes sortes d’installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux (article L 1321-2 al 10 du Code de la Santé Publique).
L’ensemble des aires d’alimentation de captages concernent 8 % de la surface agricole utile française, soit 33 000 aires.
Le décret précise le contenu de la demande qui comprend notamment : une étude hydrogéologique, un plan du périmètre de la future zone de préemption, un argumentaire et une note présentant le territoire et ses pratiques agricoles. Avant de statuer par arrêté, le préfet doit consulter les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés, mais également la chambre d’agriculture, la Safer, le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), ainsi que les commissions locales de l’eau. Il sera statué sur la demande dans un délai de six mois à compter de la réception du dossier complet. L’arrêté préfectoral instituant le droit de préemption doit désigner le titulaire de ce droit, le périmètre concerné et ses motivations. L’arrêté fait l’objet d’une publication au recueil des actes administratifs et d’une mention dans deux journaux publiés du département concerné. Une copie est mise à disposition du public dans les mairies des communes concernées et est adressée aux personnes publiques consultées pour avis (SAFER, chambre d’agriculture, etc…).