Prêt à usage et bail : attention à la requalification en bail rural

Un arrêt du 15 juin 2023 de la Cour de cassation vient préciser les conséquences de la requalification d’un prêt à usage en bail rural. Rappel de cette affaire. 

En 2002, un bailleur met à disposition d’un agriculteur des pâtures au moyen d’une contrat de prêt à usage. Cette convention stipulait que l’exploitant assumerait seul tous les impôts fonciers. Après 15 ans de mise à disposition, les relations se dégradent entre les parties et l’agriculteur assigne le propriétaire devant le tribunal des baux ruraux pour obtenir la requalification de la convention de prêt à usage en bail rural. Les juges requalifient la convention en bail rural, considérant que la mise à la charge de l’exploitant des fonciers était contraire au caractère gratuit du prêt à usage.

Suite, à cette requalification, le bailleur a mis en demeure l’agriculteur de régler les fermages et impôts fonciers à sa charge depuis sa signature du bail, soit seize ans d’arriérés, représentant la somme de 40 000 euros.

Pas content, le fermier a saisi le tribunal partitaire des baux ruraux pour obtenir l’annulation de la mise en demeure. Mais, le tribunal paritaire, la Cour d’appel et la Cour de cassation ont donné raison au bailleur de payer ces fameux 40 000 €. Cette décision repose sur une jurisprudence qui est très claire : suite, à une requalification d’un prêt à usage en bail rural, le bailleur est en droit de réclamer les sommes dues depuis la conclusion du bail.

Dans cette affaire, l’enjeu résidait sur le point de départ de la prescription. Les fermages sont soumis à la prescription de 5 ans. Si le délai court à partir de l’échéance rétroactive des fermages, le bailleur ne pourrait obtenir le paiement que des 5 années précédant la requalification du prêt à usage en bail rural. Cependant, la Cour de cassation n’a pas retenue cette solution.

Pour elle, le délai de prescription commence à courir à la date où le bailleur a eu connaissance de son droit à obtenir paiement, c’est-à-au moment de la requalification. En d’autres termes, le bailleur a 5 ans à partir du jugement de requalification pour réclamer l’ensemble des sommes dues depuis la conclusion de la convention. En conséquence, les sommes peuvent être très importantes et le bailleur est en droit de mettre en demeure le fermier de les régler immédiatement.

Conformément à l’article L. 411-31 du code rural, la mise en demeure de payer deux échéances de fermage déclenche un délai de trois mois. Les juges ont récemment rappelé que ce délai est sans appel. Si l’intégralité des sommes n’est pas payée à l’échéance des trois mois, la résiliation du bail doit être prononcée par le tribunal partitaire des baux ruraux et l’expulsion ordonnée. Tel est bien ce qui arrivé à l’agriculteur en l’espèce.

Stéphane Lefever

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