Les sécheresses auxquelles le monde agricole fait face font prendre conscience de la vulnérabilité de l’exploitant agricole dans ses engagements contractuels.
Indépendamment des problématiques de ressources en eau qu’elles représentent, les périodes de sécheresse amènent l’Administration à adopter des « arrêtés sécheresse » désormais bien connus des exploitants agricoles, qui peuvent placer ces derniers en difficulté eu égard aux restrictions qu’ils imposent en matière d’irrigation des cultures.
Imaginons : un arrêté sécheresse est publié au mois de juillet et instaure des restrictions d’usage de l’eau en décrétant une situation d’alerte renforcée. Malheureusement, Arnaud, exploitant agricole disposant d’un volume annuel d’eau de 100.000 m3, se rend compte au moment de la publication dudit arrêté qu’il a déjà mobilisé plus de 60% de son quota. Or, une situation d’alerte renforcée dégrade immédiatement de 35% le volume d’eau restant… Soudainement, Arnaud ne dispose donc plus que de 5% de son quota. Arnaud sera-t-il en capacité d’irriguer la totalité des surfaces plantées et d’honorer son contrat (en volumes et en qualité) ?
Loin d’être un scénario capillotracté, celui-ci peut placer l’exploitant dans une situation particulièrement délicate et prête le flanc aux contestations de l’acheteur si l’exploitant devient incapable d’honorer le tonnage convenu et que rien n’est prévu par leur contrat (dont la rédaction est aujourd’hui obligatoire et bien souvent sous la plume de l’acheteur). Ecrire un contrat est un début, mais un contrat n’est pas qu’un volume et un prix : il est le support des solutions à apporter aux problèmes susceptibles d’être rencontrés, tel que celui que l’on vient d’exposer. Et en la matière, l’exploitant agricole vendeur ne doit pas hésiter à formuler ses remarques et à faire des propositions.
Pour ce type de cas, il est difficilement admis de prévoir une clause exonérant totalement l’exploitant de sa responsabilité contractuelle, en raison des règles légales régissant les contrats. Le but est de prévoir une clause rédigée précisément et qui assure un équilibre entre les droits et les obligations de chacune des parties. Parmi ces solutions, nous pouvons imaginer une clause de renégociation ou une clause ayant pour effet de modifier automatiquement le mode de déterminabilité de la quantité à livrer… Encore une fois, le degré de précision dans la mise en œuvre de ces droits et obligations sera déterminant quant à la légalité de la clause. Il vaut mieux être assisté par un professionnel du droit sur ce point. Mais rappelons que prévoir de telles clauses ne dispense pas d’être prudent quant à l’ampleur des engagements.
Pour rappel, les accords interprofessionnels agricoles sont susceptibles d’apporter des solutions mais seuls en jouiront les échanges économiques franco-français (et adhérents de l’organisation professionnelle sauf extension). Une occasion de rappeler qu’il est juridiquement toujours plus intéressant de s’adresser à un acheteur domicilié en France afin, notamment, de jouir du droit français et de sa compétence juridictionnelle.
Jonathan Dubus
Juriste – Droit du travail – Droit des contrats
03 22 53 30 17