Demandes FNSEA sur les prix de l’énergie

1. Un niveau de prise en charge trop faible

Les productions énergo-intensives du monde agricole ne peuvent répercuter que très partiellement le surcoût lié à l’énergie, en raison des circuits de contractualisation ne prenant pas en compte ces surcoûts. Par ailleurs, il s’agit là d’alimentation, poste très sensible chez le consommateur, qui peut toujours se reporter sur un produit étranger, de moins bonne qualité, mais moins cher.

Un certain nombre de productions (légumes sous serre, endives, champignons, pommes, poires…) seraient sacrifier dans le panier du consommateur si les producteurs devaient répercuter les surcoûts liés à l’énergie sur le prix de vente.

Le secteur agricole a donc besoin d’une prise en charge à hauteur de 70% du surcoût au-delà du doublement du prix, et non 30% comme actuellement (voir chiffrage filière pomme-poire).

2. Le critère de 3% du chiffre d’affaires inopérant

Comparer le niveau de charges relatif à l’énergie au chiffre d’affaires d’une exploitation agricole n’a pas forcément de sens, eu égard au très faible niveau de marge des exploitations agricoles. Les chiffres d’affaires peuvent ainsi être relativement élevés (rendant difficilement atteignable ce seuil de 3%), sans pour autant que le résultat dégagé soit important. Pire encore, les surcoûts liés au gaz et à l’électricité, additionnés aux autres postes de charges (carburant, SMIC, engrais, emballages…), ont pu réduire sensiblement le résultat des exploitations, sans pour autant que le seuil de 3% ne soit atteint. Une baisse de ce seuil d’éligibilité à 2% permettrait de prendre en compte l’intégralité des exploitations agricoles énergo-intensives, à défaut de quoi nous proposons une comparaison du niveau de charges liées à l’énergie au niveau total de charges de l’exploitation.

3. La baisse de l’excédent brut d’exploitation (EBE) ne répond toujours pas à la problématique liée à l’établissement de l’EBE

La simple baisse d’EBE désormais attendue ne répond pas à la problématique des entreprises agricoles, qui n’ont pas toujours de service de comptabilité dédié à l’établissement de cet EBE. Cet indicateur est généré une fois par an, lors de la présentation de ses comptes annuels à l’exploitant, et n’est en aucun cas calculé mensuellement ou trimestriellement par l’entreprise en charge de la comptabilité de l’exploitation. De ce fait, la nouvelle maille mensuelle et la baisse d’EBE suscitent toujours les mêmes problématiques chez les exploitants. Il est donc proposé, pour les entreprises justifiant d’un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros, de supprimer ce critère lié à l’EBE, pour ne retenir que le doublement des factures.

4. Plusieurs activités sont exclues du régime d’aide

Les serristes qui achètent de la chaleur

Les productions sous serre ont besoin de chaleur, chaleur qui peut être obtenue par l’achat de gaz, pour alimenter des systèmes de chauffage, mais également par l’achat direct de chaleur ou « thermies », transportée à travers de la vapeur d’eau.

Ce mécanisme vertueux permet à des entreprises (traitement de déchets, unité de cogénération) de recycler la chaleur produite du fait de leur activité première, au profit d’entité qui ont besoin de chaleur pour leurs cultures. Ce procédé permet de limiter l’importation de gaz, réduisant par là même la dépendance énergétique de la France et ses émissions de gaz à effet de serre.

Pour autant, l’achat de chaleur n’est pas éligible au dispositif d’aide (article 2, III, 4° du décret 2022-967), ce qui défavorise les producteurs ayant fait le choix d’une énergie locale (par nature) et décarbonée. Il est donc nécessaire de rendre les achats de chaleur éligible au dispositif.

Les activités de cogénération

Un certain nombre d’unités de méthanisation réalisent de la cogénération (production d’électricité ou de chaleur à partir du biogaz produit dans le méthanisateur). Par ailleurs, faire fonctionner une unité de méthanisation (que ce soit pour de l’injection directe ou de la cogénération) nécessite de l’électricité : or, ces unités ont contractuellement interdiction d’utiliser une part de l’électricité produite pour faire fonctionner leur unité de méthanisation (auto-consommation).

Enfin, l’électricité vendue n’est pas indexée sur les coûts de l’énergie, ce qui aboutit à la situation suivante :

  • Les unités de cogénération achètent plus chère l’électricité nécessaire à leur fonctionnement ;
  • Les unités de cogénération, en tant qu’entreprise productrice d’électricité ou de chaleur à titre principal, sont exclues du dispositif d’aide, alors même que les contrats de vente de l’électricité produite par l’unité en cogénération ne prennent pas en compte les hausses des charges (matières première et énergie).

Il est donc vital pour ces unités en cogénération de devenir éligible au dispositif d’aide dédié aux électro-intensifs.

Les unités de méthanisation nouvellement installées en 2022

Le décret d’application du dispositif d’aide ne prend pas en compte la situation d’entreprise créées postérieurement au 30 novembre 2021. Or, certaines unités de méthanisation sont entrées en service courant 2022, à la suite de projets initiés dès 2020. Le temps nécessaire à l’obtention des autorisations (régime ICPE) et des crédits vis-à-vis des organismes de financement, implique l’élaboration de business plan qui n’ont pu prendre en compte la hausse exceptionnelle et imprévisible des coûts de l’énergie résultant de la crise ukrainienne.

Les méthaniseurs en injection sont particulièrement consommateurs d’électricité (environ 1 GWh d’électricité consommée pour 5 à 10 GWh de biométhane injecté). De ce fait, nombreuses sont les unités de méthanisation nouvellement créées (en injection directe et en cogénération), qui se retrouvent dès leurs premiers mois d’activités menacées du fait du surcoût lié à l’énergie.

Il est donc nécessaire d’ouvrir le dispositif d’aide aux entreprises créées en 2022, en prenant comme élément de comparaison les coûts moyens 2021 constatés sur l’électricité, pour des entreprises comparables.

Les irrigants (toutes cultures) et maïsiculteurs (irrigation/séchage)

Le dispositif général reste à ce stade inaccessible aux irrigants et aux producteurs de maïs pourtant fortement impactés par la hausse des coûts de l’énergie :

  • Les charges liées à la hausse du coût de l’électricité utilisée pour l’irrigation sont facturées indirectement et comprises dans la facture globale de l’eau adressée au producteur par les structures publiques collectives (ASA, syndicats…). Leur statut public interdit un quelconque déficit et donc elles n’ont pas d’autre choix que de répercuter l’intégralité du coût de l’électricité. Ce sont 30 à 35 000 exploitations agricoles qui sont concernées, toutes filières confondues ;
  • Les charges liées à la hausse du coût du gaz sont incluses dans le coût global du séchage réalisé par les organismes stockeurs. Or les coopératives ne sont pas éligibles à la mesure ne répondant pas aux critères. Une fois encore les coûts seront répercutés aux producteurs. Cela concerne environ 80 000 producteurs de maïs.

Ramenés à l’exploitation, les coûts de séchage et d’irrigation permettent pourtant d’atteindre le seuil de 3% du CA.

5. Favoriser la production énergétique et l’autoconsommation dans le monde agricole

Dans un double contexte de baisse des tarifs d’achat d’énergies renouvelables d’origine agricole et de hausse des prix de l’énergie sur le marché, il devient de plus en plus rentable pour les agriculteurs de développer l’autoconsommation. Outre le renforcement de la résilience et de l’autonomie des exploitations, ce mode de consommation incite au développement des énergies renouvelables et participe à l’accélération de la transition énergétique.

A titre d’exemple, les méthaniseurs sont particulièrement affectés par l’inflation des prix de l’énergie ; ils peuvent consommer jusqu’à 1 MWh d’électricité pour produire 10 MWh de biométhane. A l’heure actuelle, le régime ICPE (n° 2781) impose aux méthaniseurs un seuil de 100 tonnes d’intrants par jour, au-delà duquel il est nécessaire de passer par une procédure d’autorisation particulièrement lourde et plus coûteuse. Il pourrait être envisagé, afin de favoriser l’autoconsommation et de stimuler les projets malgré l’inflation, de rehausser ce seuil à 120 tonnes/jour dès lors qu’au moins 20 % des intrants sont utilisés en autoconsommation.

Autrement dit, il s’agirait de faciliter une augmentation de la production dès lors que le surplus (jusqu’à 20 tonnes/jour) serait utilisé directement sur l’exploitation, et ainsi de réduire les achats sur le réseau, une mesure particulièrement souhaitable au regard du contexte de tensions auquel nous faisons face.

Enfin, la dépendance énergétique des exploitants agricoles passe également par la consommation de GNR, un carburant fossile intégralement importé. Les fluctuations des cours du pétrole ont largement affecté le prix du GNR ces derniers mois, il est donc indispensable de réduire cette dépendance énergétique en favorisant l’incorporation d’une part plus importante de biodiesel dans le GNR. Actuellement fixé à 7%, cette part d’incorporation doit être augmentée dans le GNR, et ce d’autant plus que la France est un producteur majeur de biodiesel d’une part, et que cette production génère des co-produits nécessaires à l’élevage (tourteaux protéinés notamment).

Pour rappel, en tant qu’entreprise agricole, vous pouvez bénéficier des tarifs réglementés de vente de l’électricité.
Dans quel cas ?

– Vous employez moins de 10 personnes.
et
– Votre chiffre d’affaires, recettes, ou bilan annuel est inférieur à 2 millions d’euros.
et
– Vous devez également avoir souscrit à une puissance inférieur ou égale à 36kVA.

La FNSEA