Chaque associé d’une société civile agricole est titulaire d’un compte courant d’associés, un élément important qui mérite d’être suivi attentivement. Il faut veiller à l’équilibre des comptes courants entre les associés et assurer de ne pas pénaliser la trésorerie de la société. Quoiqu’il en soit, ces comptes doivent être gérés avec la plus grande attention.
Lorsqu’on exploite sous forme sociétaire, la société enregistre dans ses comptes les mouvements financiers entre l’associé et la société et sont portées dans la comptabilité de la société. La société crée un compte par associé, enregistrant tous ces mouvements financiers, appelé «compte courant d’associés». Il n’est soumis à aucune formalité, ni à aucune autorisation. Les apports et les retraits sont libres. Ils peuvent donner lieu à une rémunération, juste indemnité de produit financier de la trésorerie procuré à la société. Elle n’est pas obligatoire. Quoiqu’il en soit, la relation financière entre les associés et la société passe par les comptes courants. Leur fonctionnement peut s’avérer incompréhensible pour certains si on ne prend pas en compte leur fonctionnement et leur évolution. Une mauvaise compréhension de ces comptes peut engendrer des malentendus et créer des conflits entre les associés. L’assemblée est le moment pour analyser, décider, résoudre les aspects de ces comptes courants. Le principal enjeu est bien celui de la relation humaine avant tout. C’est pourquoi, la communication entre les associés est primordiale.
Gestion des comptes courants
Un compte créditeur signifie que la société doit de l’argent à l’associé. Au crédit de ce compte, on y trouve : la rémunération de travail des associés, le solde du bénéfice attribué lors de la répartition du résultat, les apports de fonds propres effectués par les associés, la rémunération des mises à disposition de terres et de bâtiments (dans le cas où elles ne sont pas payées directement par un chèque de la société), la rémunération des comptes courants associés, le remboursement de frais aux associés pour leur déplacement, etc. Certes, les comptes créditeurs procurent de la trésorerie à la société et améliore le fonds de roulement. Mais attention, un compte créditeur n’est pas forcément synonyme de «bonne trésorerie», les associés ont pu s’en servir pour auto financer du matériel par exemple, sans avoir à recourir au prêt. L’argent dans le compte courant bancaire de la société est diminué d’autant et le solde du compte courant créditeur reste inchangé. Mais au moment de remettre à niveau le compte courant, la trésorerie ne sera pas forcément à flot pour en effectuer le retrait.
À l’inverse, un compte courant débiteur signifie que l’associé doit de l’argent à la société. En quelque sorte, c’est la société qui fait de l’avance d’argent à l’associé, parce que celui-ci à prélever plus que ces «droits» dans le résultat. Il s’agit essentiellement des prélèvements personnels effectués chaque mois pour les besoins quotidiens, l’impôt sur le revenu, les impôts fonciers, la part de CSG-CRDS non déductible, les remboursements de prêts personnels non apportés à la société : prêt jeune agriculteur, prêt foncier, des charges privées : eau, électricité, téléphone en totalité ou en partie, les retraits en vue de placement ou de prélèvements exceptionnels…
Positif ou négatif, un compte courant mal maîtrisé peut conduire à des difficultés ; c’est pourquoi il convient d’y faire attention et d’en connaître les conséquences à terme.
En cas de retrait
En cas de compte créditeur, l’associé est en droit de demander son paiement à tout moment. La société devra verser le solde du compte, à l’aide de la trésorerie si celle-ci le permet, sinon, il faudra établir un prêt ou un échéancier. C’est souvent le cas, lors d’un départ à la retraite. Pour éviter cette situation, il conviendra de prendre quelques précautions : recourir aux comptes bloqués, échelonner leur remboursement (cela peut être un moyen de faire un complément de retraite), incorporer les comptes d’associés au capital social (autre moyen et qui permettrait de pratiquer le pacte Dutreil en cas de donation).
Un autre moyen qui se pratique régulièrement, celui de financer par emprunt le compte courant d’associés créditeur, et de prélever la somme par l’associé concerné. Pour opérer ce type de retrait et faire un prêt par la société, cela nécessite que la société ait la capacité de remboursement. Comme à l’habitude, le banquier regardera le rapport entre les annuités existantes et l’EBE de la société pour donner son accord.
Si le compte courant est débiteur, le solde du compte courant viendra en déduction de la somme revenant à l’associé sortant, ou alors, il devra rembourser la société pour le montant inscrit sur son compte, qui est souvent plus facile à «gérer». Pour éviter cette situation, il faut anticiper et connaître les causes qui l’ont créées : bénéfice en baisse, prélèvements personnels trop élevés…
Les comptes déséquilibrés
Lorsqu’un associé prélève plus que les autres, cela entraîne un déséquilibre entre les comptes associés. En conséquence, une partie plus ou moins grande de la trésorerie de la société est fournie par l’associé qui possède un compte courant important. Des écarts importants entre les associés peuvent révéler un dysfonctionnement de la société. L’objectif des associés est de résorber ce déséquilibre en cherchant la source de cet écart. Éviter le déséquilibre des comptes entre les associés n’est pas toujours facile. Certaines dérives de gestion des comptes, comme le manque de prélèvement régulier grossit le compte courant de l’associé, ou, à l’inverse, les besoins des associés soient supérieurs à leurs droits dans le résultat de l’exploitation. Un exemple : le paiement des fermages qui s’opère de compte à compte, c’est-à-dire, on débite le compte fermage en contrepartie du crédit du compte courant d’associés de la personne, permet aux associés de se payer leurs fermages sans avoir forcément la trésorerie nécessaire. Souvent, on constate après plusieurs années, que le montant des fermages crédités se cumule au fil du temps et si l’associé ne prélève pas, cela va générer un compte courant créditeur de plus en plus important, qu’il faudra bien solder, à un moment donné. C’est pourquoi, le paiement par chèque ou virement évitera ce genre de situation et l’associé disposera immédiatement du montant des fermages.
Dans toute société, la gestion des comptes courants est souvent délicate, voire difficile. Une analyse approfondie permettra de trouver une solution qui concilie les intérêts de la société et ceux de chaque associé. Ne pas oublier, que le compte courant d’associés s’analyse comme un compte courant bancaire : c’est le passage obligé des relations financières entre les associés et la société. Une gestion non maîtrisée peut, à terme, entraîner des difficultés, voire des conflits d’intérêts entre associés. De plus, bien encadrés, ils peuvent se révéler de bons outils de gestion. L’essentiel est de prendre conscience de la fragilité potentielle d’une société dont les comptes courants sont élevés et quelquefois disproportionnés entre les associés. C’est pourquoi, l’assemblée générale annuelle doit permettre de faire le point, d’analyser le déséquilibre et de pouvoir y remédier. Dans tous les cas, faites appel à votre comptable ou votre conseiller pour analyser et mettre en place les moyens pour rétablir les comptes entre les associés.
Rémunérer les comptes courants associés
La maîtrise de la charge fiscale et sociale peut passer par une gestion adaptée des comptes courants, notamment par leur rémunération. Mais certaines conditions sont à respecter et le formalisme déclaratif ne doit pas être négligé. La rémunération des comptes courants d’associés est souvent utilisée pour rétablir l’équilibre entre les associés lorsque les sommes qui sont laissées à la disposition de la société ne sont pas proportionnelles à leurs parts dans le capital. La rémunération permet de réaliser des économies de cotisations sociales car les intérêts ne rentrent pas dans l’assiette des cotisations. Les intérêts sont déductibles de la société dans la limite d’un taux fixé chaque mois. En revanche, l’associé est imposé sur les intérêts.
Abandon de créance total ou partiel
Cette possibilité est admise quand la société éprouve des difficultés, afin d’améliorer la trésorerie et de diminuer le montant des dettes financières. En principe, cet abandon est assorti d’une clause de retour à meilleure fortune. Mais dans les sociétés familiales, les parents renoncent à ce type de clause, bien souvent au profit d’une installation familiale. Côté fiscalité, la somme correspondant à l’abandon du compte courant d’associé est incorporée au résultat de la société. Celui-ci est considéré comme un produit imposable. Il est soumis aux cotisations sociales et à l’impôt, pour les sociétés soumis au réel.