Procédure judiciaire : une solution en période difficile

Quand le contexte financier est difficile à gérer et pèse sur la trésorerie de l’exploitation, l’exploitant doit réagir à temps pour régler ses dettes. Il peut utiliser la procédure de sauvegarde ou une procédure de règlement amiable pour sauvegarder son exploitation. C’est avant tout des outils destinés à prévenir et à régler les difficultés financières des exploitations agricoles.

Conjoncture défavorable, phénomènes de nature exceptionnelle (pluviométrie abondante, sécheresse), résultats techniques en baisse, mauvais investissements, mauvaise gestion, un prix d’équilibre non atteint, des ouvertures de crédit dépassées, l’accumulation de factures impayées, des difficultés à régler les courts termes de campagne, autant d’éléments et d’indices qui peuvent mettre une exploitation en difficulté. Cela se traduit souvent par un allongement des délais de règlement, des retards importants de paiement ou des échéances d’annuités non respectées. Si la pérennité de l’exploitation n’est pas compromise et que l’exploitant souhaite éviter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, un accord ponctuel avec un ou plusieurs créanciers est souvent efficace, soit avec la procédure de sauvegarde ou le règlement amiable. 

La procédure de sauvegarde 

Elle est destinée à faciliter la réorganisation de l’exploitation afin de permettre la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Seul l’exploitant peut en faire la demande auprès du tribunal judiciaire. Elle permet d’arrêter les poursuites individuelles à son encontre, gèle et suspend les dettes antérieures à l’ouverture de la sauvegarde. Elle a essentiellement un rôle d’anticipation. Le demandeur doit présenter l’inventaire de l’actif et du passif, la liste des créanciers et des cautions, une situation de trésorerie de moins d’un mois et expliquer la nature des difficultés et les raisons pour lesquelles il ne peut les surmonter. Après cette présentation au juge, un jugement prononce l’ouverture de la procédure de sauvegarde et désigne les organes de procédures (administrateur judiciaire…). 

Cette formule a un coût constitué des honoraires de l’administrateur ou du mandataire judiciaire. Le montant varie en fonction de durée du plan et du montant du passif. Les aspects positifs permettent de suspendre des poursuites et des mesures d’exécution des créanciers, de geler les intérêts des dettes et des prêts de moins d’un an, de remiser les majorations pour la MSA et les impôts, de continuer les contrats en cours, de pouvoir étaler le remboursement des dettes sur une période maximum de quinze ans… 

Cette période d’observation devrait constituer une bouffée d’oxygène pour l’exploitation afin de mettre à profit la reconstitution de la trésorerie. En tout cas, c’est l’objectif recherché, pour que l’exploitant se sorte au plus vite de ses problèmes financiers. Mais, une parution dans un journal d’annonces légales est obligatoire afin que les créanciers déclarent leurs créances dans les soixante jours suivant la parution. 

Le règlement amiable 

Le règlement amiable agricole est une procédure propre aux agriculteurs. Elle vise à obtenir un accord «amiable» que l’on pourrait qualifiée de «légère tutelle judiciaire». La requête en règlement amiable agricole peut être demandée par l’exploitant ou la société pour lequel c’est un passage obligé avant le redressement judiciaire, ou demandée par un ou plusieurs créanciers. La requête est formulée auprès du tribunal judiciaire du siège de l’exploitation, en faisant état des dettes et des créances de l’exploitation et de l’origine des difficultés. Elle provoque une audition de l’exploitant ou du gérant par le président qui ordonne, en général, l’ouverture d’une procédure de règlement amiable avec nomination d’un conciliateur, ou une ordonnance de rejet si le cas n’est pas approprié, soit en raison d’une demande prématurée ou que l’exploitation est en état de cessation de paiement et dans ce cas, relève de la procédure de redressement judiciaire. Ensuite, le conciliateur entend l’exploitant ou le gérant et ses principaux créanciers pour analyser la situation. Après concertation, un plan de règlement prévoyant des délais de paiement ou encore des remises de dettes est établi. La durée est fixée par le tribunal et s’opère souvent sur une durée de quatre mois à six mois en général. Dès ouverture de la procédure, les créanciers cessent leur relance de paiement.
Le rôle du conciliateur est d’organiser et de négocier les meilleures solutions possibles pour aboutir à un accord amiable entre l’exploitant ou le gérant et les créanciers. Il rend compte au tribunal de sa mission, soit avec la conclusion d’un accord appelé «procès-verbal de conciliation», ou un procès-verbal d’échec, encore appelé «rapport de non-conciliation». La décision finale lui échappe : il doit se limiter à mettre en œuvre tous les moyens pour aboutir à un compromis. Ce document déposé au greffe du tribunal judiciaire, ne sera pas publié. L’exploitant ou ses créanciers peuvent saisir le tribunal judiciaire pour demander l’ouverture d’un redressement judiciaire.
Le tribunal peut suspendre provisoirement les poursuites pour deux mois non renouvelables pour mettre un climat plus propice à la négociation. Cette suspension s’impose à tous les créanciers, à l’exception des prêts d’une durée supérieure à un an. L’exploitant ne peut régler une créance antérieure sans l’accord du juge. Cette procédure garde toute sa confidentialité. Il n’y a pas de publicité, sauf pour la suspension des poursuites. Cette procédure d’accord amiable est confidentielle et flexible. Elle est sans effet vis-à-vis des créanciers non-signataires de la convention. Elle concerne toutes les exploitations qui ne sont pas en cessation de paiement. L’accord amiable (délais de paiement, remise de dettes, aménagement de paiement) ne concerne uniquement les créanciers qui ont été invités et qui ont accepté de participer à la procédure de conciliation, ce n’est pas une obligation. Elle instaure un climat de confiance et de discussion pour trouver des solutions amiables. En cas d’inexécution de cet accord, le débiteur s’expose à une mise en redressement judiciaire ou à une liquidation. 

En conclusion 

Ces différentes procédures sont des outils efficaces pour sauvegarder et pérenniser les exploitations en difficulté à condition de ne pas attendre d’être en cessation de paiement pour agir ou que les créanciers se manifestent par voie judiciaire. La mise en place de délais de paiement et/ou de remise de dettes peut permettre de donner un second souffle financier à l’exploitation afin de repartir sur de nouvelles bases plus saines. Cette procédure a l’avantage de rester discrète et d’avoir un faible coût financier à sa mise en place. Elle a avant tout un aspect préventif et curatif. Le maître-mot est l’anticipation, comme la procédure de sauvegarde. En tout cas, l’accompagnement par un conseiller est essentiel pour mettre en place des actions adaptées à l’exploitation. 

Autres procédures 

La procédure Agri-diff 

Cette procédure administrative (demande auprès de la DDT(M) peut être menée parallèlement aux autres procédures existantes. L’exploitation doit justifier d’un endettement minimal et d’une baisse de rentabilité tout en restant viable. Bien souvent, elle obtient une prise en charge partielle des intérêts bancaires et des cotisations sociales. 

Le redressement judiciaire 

Cette procédure de redressement judiciaire vise à sauver l’exploitation qui se trouve en cessation de paiement, mais aussi ces créanciers. Elle génère la suspension des poursuites mais ne protège que temporairement les cautions. Avantage de cette procédure, l’exploitant garde la maîtrise totale de son exploitation, sauf si un administrateur est nommé. Avant d’arriver à l’issue de cette procédure, une période d’observation est réalisée, elle est souvent de douze mois. Au bout de cette période, le man- dataire avec l’appui des conseillers présente un plan de redressement qui peut aller jusqu’à quinze ans. En revanche, les investissements seront plus difficiles à réaliser, mais restent possibles, surtout s’ils sont prévu dans le plan de redressement. 

La liquidation 

Lorsque la situation devient irrecouvrable, un liquidateur est nommé pour vendre les biens, lorsque les recettes sont devenues insuffisantes pour payer les créances et les charges. Quel que soit le résultat de la vente, le passif sera éteint et les cautions seront sollicitées pour régler tout ou partie du passif. La liquidation peut être à l’initiative du débiteur. Cette procédure peut durer deux ans. Il est possible de favoriser la reprise de l’exploitation agricole en faisant une cession de tout ou partie de l’activité, sans les dettes correspondantes. 

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