Biens immobiliers : les atouts du bail emphytéotique

Le bail emphytéotique confère au preneur, appelé l’emphytéote, un bail immobilier appelé l’emphytéose. Les caractéristiques de ce bail et son fonctionnement sont énoncés dans les articles L451-1 à L451-13du Code rural, notamment sa durée qui peut atteindre 99 ans. Revue de détail.

À l’origine, le bail emphytéotique était destiné à exploiter des parcelles de terre en vue de les trans- former en terre agricole. Et quand le contrat arrivait à termes, le propriétaire reprenait son bien. Ce bail servait surtout à mettre en valeur un bien immobilier a n de lui per- mettre d’augmenter son potentiel. Aujourd’hui, ce type de bail s’est élargi et ne se limite plus aux terres agricoles. Il s’applique à toutes sortes de biens immobiliers dont l’usage est industriel, commercial, agricole et d’habitation. Le bail emphytéotique accorde au preneur le droit d’exploiter un terrain ou d’un bâtiment existant. La contrepartie de ce bail permet aux propriétaires de mettre en valeur leur patrimoine, mis à la disposition d’exploitants. Il peut être conclu entre personnes physiques ou morales. Ce contrat confère des prérogatives plus étendues que la location classique d’un immeuble. Sa durée est comprise entre dix-huit ans et quatre-vingt dix-neuf ans sans qu’aucune reconduction tacite ne soit autorisée. Le bailleur reçoit une redevance en contrepartie de la location de son bien, de la part du preneur. Le bail emphytéotique opère un démembrement temporaire de la propriété, ce qui signifie que le preneur est investi de l’essentiel des attributs de la propriété durant le bail. Il a l’obligation d’effectuer des travaux pour accroître la valeur du bien immobilier, que ce soit sous la forme d’aménagements, de constructions ou d’installations. En aucun cas, les travaux ne doivent dévaloriser le bien pris en location. À l’issue du bail, le propriétaire «récupère» tous les travaux qui auront été réalisés par le preneur, ce qui explique le faible loyer, qui peut être en nature ou en argent. Ce bail doit être contractualisé chez un notaire et il est soumis à la taxe de publicité foncière de 0,7 % sur le montant des loyers et des charges pour toute la durée du bail. 

Obligations du propriétaire

Le propriétaire est tenu à peu d’obligations. Il peut dans certains cas, demander la résiliation judiciaire du bail, lorsque le preneur ne respecte pas ses obligations, notamment s’il s’agit de détériorations graves sur le bien immobilier mis en location. Le propriétaire peut résilier le bail si le preneur ne paye pas la redevance pendant une durée consécutive de deux ans. 

Obligations du preneur

À la signature du contrat chez le notaire, le preneur est considéré comme un locataire «quasi-propriétaire» pendant toute la durée du bail. Avec ce bail, le preneur est en droit de réaliser des aménagements, des constructions, en vue de mettre en valeur le bien et par voie de conséquence vient «dépositaire du droit de propriété». Il assume toutes les prérogatives d’un propriétaire et d’un locataire, ce qui signifie qu’il peut passer une hypothèque sur le bien qui le rend saisissable comme tout autre bien immobilier ; de régler toutes les taxes foncières et autres relatives aux biens immobiliers ; payer la redevance de la mise à disposition ; assumer les réparations nécessaires sur les constructions existantes au jour de la signature du contrat ; construire ou démolir à sa guise sans l’accord du propriétaire tout ensachant qu’il doit valoriser le patrimoine du bailleur ; louer ou sous-louer l’emphytéose et également les constructions nouvelles qui viendraient à être édifiées ; permettre de faire exploiter le fonds par un gérant, un agriculteur ou un locataire ; consentir librement une servitude passive pour permettre d’acquérir une servitude active… Ce bail offre au preneur un ensemble de droits réels immobiliers relativement importants, quasiment ceux d’un propriétaire. La résiliation du bail est toujours possible et elle est soumise à l’accord des deux parties. 

Remise en cause du bail emphytéotique

L’insertion dans l’emphytéose d’une clause contraire aux règles qui le régissent, entraîne sa re-qualification en bail rural soumis au statut du fermage. À titre d’exemple, un bailleur avait voulu insérer une clause de résiliation du bail pour défaut de paiement. Celle-ci a été rejetée par les tribunaux. La clause invoquée était contraire aux conditions du bail emphytéotique, car le défaut de paiement de la redevance est strictement réglementé par l’article L. 451-5 du Code rural. En effet, pour engager l’action en résiliation, il fallait que la redevance soit restée impayée deux ans. De ce fait, les juges ont requalifié le bail emphytéotique en bail rural. Lorsqu’un propriétaire foncier souhaite mettre des biens agricoles à disposition d’un exploitant, sans risquer de se voir opposer le statut du fermage, il peut consentir un bail emphytéotique. Pour cela, le bail doit avoir une durée minimale de dix-huit ans ; comporter la fixation d’un loyer modique, c’est-à-dire inférieur à ce que serait le loyer «normal» du fermage. 

Bail emphytéotique et bail à construction

Le bail emphytéotique et le bail à construction sont soumis à de nombreuses règles communes : durée minimale de dix-huit ans, caractère réel du droit conféré, possibilité de l’hypothéquer, libres cession et apport en société… Le montant du loyer ne différencie pas non plus ces deux types de contrats. Néanmoins, à la différence du bail à construction qui emporte à titre principal l’obligation pour le preneur d’édifier un bâtiment, le bail emphytéotique permet au preneur de jouir d’une simple possibilité de construire sur le terrain du bailleur et d’imposer une destination à l’emphytéote sur le terrain et sur les immeubles existants ou édifiés. 

Projets éoliens et photovoltaïques

En dépit de l’origine ancestrale du bail emphytéotique, ce contrat connaît aujourd’hui un véritable regain dans les opérations immobilières, notamment dans les projets éoliens et photovoltaïques. Contrairement au bail de droit commun, il confère au preneur un droit réel immobilier sur le fonds loué et sur les constructions érigées, permettant ainsi la constitution d’hypothèques qui peuvent en faciliter le financement. C’est souvent le souhait des promoteurs de projets éoliens ou les exploitants qui érigent des panneaux photovoltaïques sur le toit de leurs hangars agricoles. 

Les plus et les moins du bail emphytéotique

Côté propriétaire

À la fin du contrat, le bien immobilier originel a été revalorisé. Le bailleur profite des investissements et des améliorations apportés par le preneur et sans payer aucune indemnité. Il perçoit une redevance pendant toute la durée du bail et ne paye aucune charge liée au foncier (taxe foncière…), ni aux travaux d’entretien. À l’inverse, il subit une dépossession de son bien pendant toute la durée du bail et n’a aucun droit, simplement celui de recevoir une location modique

Côté preneur

Il ne doit pas acheter de terrain ou d’immeuble et peut se comporter comme un propriétaire pendant toute la durée du bail qui est souvent très long, ce qui lui permet de tirer profit du bien. La redevance de location est très faible. Il est en droit de faire de la location ou de la sous-location. À la fin du contrat, il ne percevra aucune indemnité liée aux constructions et aux améliorations qu’il aura apporté pendant toute la durée du bail. Sans oublier qu’au terme du contrat, il est tenu d’avoir accru la valeur du bien.

En savoir plus sur FDSEA80

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading