Le CDD : Mode d’emploi

la rubrique de Jonathan

Conclure un contrat à durée déterminée apparait souvent comme une façon simple et sécurisée d’opérer à une embauche. Parfois même, cette dernière est accomplie sans contrat rédigé, alors même que cette rédaction fait partie des nombreuses règles impératives à respecter pour la conclusion d’un CDD.

Ci-après, nous exposerons les règles principales à garder à tête avant de conclure un contrat de travail à durée déterminée. Le respect scrupuleux de ces règles est d’autant plus capital en ce qu’il conditionne la licéité du contrat : si certaines d’entre elles ne sont pas respectées, l’exploitant agricole risque de voir son contrat requalifié en contrat de travail à durée indéterminée (CDI).

Règle n°1 : Le CDD est forcément écrit

Il est impossible d’employer un salarié prétendument en « CDD » sans avoir un écrit qui le prouve !

De plus, cet écrit doit impérativement contenir un ensemble de stipulations précisées par le Code du Travail : définition précise du motif du contrat, intitulés des conventions collectives applicables, durée de la période d’essai, clause de renouvellement, montant de la rémunération, nom et adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l’organisme de prévoyance…

Souvenez-vous : en l’absence d’écrit, vous avez conclu un CDI sans le vouloir.

Règle n°2 : Le CDD est forcément conclu pour une tâche précise et temporaire

Un CDD ne peut être conclu que dans un certain nombre de cas précis identifiés par le Code du Travail. Si vous concluez un CDD, c’est que vous souhaitez forcément répondre à l’un des besoins suivants :

  • Remplacer un salarié absent ;
  • Suivre la politique de l’emploi en place (exemple : l’apprentissage, la professionnalisation, ou encore, en ce moment, le CIE) ;
  • Accomplir des travaux saisonniers (à identifier précisément) ;
  • Faire face à un accroissement temporaire d’activité (surcharge de travail que le personnel habituel ne peut assumer ; ce surcroit doit être exorbitante de l’activité normale et permanente de l’entreprise !) ;

Ces deux derniers motifs sont sujets à interprétation, mais il faut être prudent et s’assurer que l’emploi confié correspond bien aux définitions de ces motifs retenues par la jurisprudence et l’administration.

Règle n°3 : Le CDD ne dure jamais plus de 18 mois, renouvellement compris

Règle n°4 : Le CDD ne peut être renouvelé qu’une seule fois

Dans la Somme, un CDD ne peut être renouvelé qu’une seule fois (Article 20 de la Convention Collective de travail concernant les exploitations agricoles).

La durée du renouvellement n’est pas liée à la durée de la période initiale (un CDD initialement conclu pour 2 mois pour être renouvelé pour 5 mois par exemple).


Illustration des règles 3 et 4

Benoit a une exploitation laitière. Il fabrique et transforme ses propres yaourts. Il est sur le point de faire face à un pic d’activité imprévu dû à un nombre de commandes inhabituel, qui va sûrement s’étaler sur la période janvier 2022 – août 2022 (8 mois)

Dès janvier, Benoit recrute Xavier en CDD pour faire face à ce surcroit d’activité, pour cette période de 8 mois.

Arrivé en août, Benoit a le plaisir d’apprendre que ce pic va se prolonger, dû à la conclusion d’un nouveau contrat d’approvisionnement, pour la période septembre – novembre 2022.

Dans cette hypothèse, Benoît a le droit de proposer à Xavier le renouvellement de son CDD car :

  • Benoît a bien rédigé son CDD et y a prévu une clause de renouvellement ;
  • La durée totale du contrat sera de 8 mois + 3 mois : 11 mois, soit moins de 18 mois.

Mais attention : une fois arrivé en novembre, ce sera définitivement terminé ! Et oui… Règle n°4, un CDD ne peut être renouvelé qu’une seule fois.

Benoit ne pourrait-il pas faire un tout nouveau contrat, à défaut de ne plus pouvoir renouveler son CDD ? Réponse en règle n°5 !


Règle n°5 : un CDD ne peut pas toujours suivre immédiatement un autre CDD

  1. Le délai de carence

L’hypothèse est la suivante : l’exploitant agricole conclut un CDD, le renouvèle, mais a toujours besoin du salarié alors que le terme de son contrat survient.

Dans ce type de cas, tout employeur doit, en principe, respecter un délai de carence entre chaque CDD. En d’autres termes, une fois qu’un CDD arrive à son terme, celui-ci a l’obligation légale d’attendre avant d’en conclure un nouveau.

Plus précisément, il ne peut ni conclure des CDD successifs sur un même poste de travail avec des salariés différents, ni conclure des CDD successifs sur des postes différents avec le même salarié.

Si l’exploitant conclut des CDD avec le même salarié, mais pour différents postes, la règle est malheureusement floue, car la jurisprudence exige le respect d’un « délai raisonnable ».

Si l’exploitant conclu des CDD successifs pour un même poste (avec un même salarié ou non), il faut respecter un délai de carence précis :

  • Soit 1/3 de la durée du contrat expiré si celui-ci a duré 14 jours ou plus ;
  • Soit ½ de la durée du contrat expiré si celui-ci a duré moins de 14 jours.

Pour faire le décompte, les jours pris pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné (L1244-3-1 du Code du Travail).

  • Les exceptions au délai de carence

Il existe toutefois des cas où l’employeur n’a pas l’obligation d’attendre l’écoulement d’un tel délai avant de pouvoir reprendre son salarié en CDD. C’est le cas lorsque

  • les deux contrats qui se succèdent ont été conclus pour le remplacement d’un salarié absent ou pour l’accomplissement de travaux saisonniers
  • le salarié est à l’initiative de la rupture anticipée du premier contrat
  • le salarié refuse le renouvellement de son contrat (seulement pour la durée du contrat non renouvelé)

Lorsqu’il est applicable, violer le délai de carence entraine la requalification du CDD conclu en CDI ! Soyez donc très vigilants lorsque vous faites succéder plusieurs CDD.

Il est évidemment possible de conclure immédiatement un CDI après le terme d’un CDD.


Illustration règle n°5

Thomas a embauché Samuel en CDD d’accroissement d’activité le 1er juillet 2021, pour une durée de deux mois. Il renouvèle son contrat à la fin du mois d’août, reportant ainsi le terme du contrat au 1er novembre.

Malheureusement, le pic d’activité que doit gérer Thomas ne s’est toujours pas terminé, il a donc toujours besoin de quelqu’un pour occuper le poste de Samuel.

Thomas devra attendre 41 jours avant de pouvoir conclure un nouveau CDD d’accroissement d’activité sur ce poste.


Règle n°6 : Un CDD contient forcément un terme, fut-ce-t-il imprécis

Qui dit contrat à durée déterminée, dit fixation d’un terme. Ce terme peut être :

  • Précis (une date déterminée par exemple fin au 10.10.2022)
  • Imprécis (la fin du contrat est déterminée par la survenance d’un événement, par exemple le retour du salarié remplacé, ou la fin des travaux de moisson) : dans ce cas, il conviendra tout de même de fixer une durée minimale précise (1 mois, deux semaines…).

La durée du contrat (la durée minimale pour le terme imprécis) sert à déterminer la durée de la période d’essai (1 jour ouvré par semaine civile complète).

Dans tous les cas, il faudra éveiller à ce que la durée totale du contrat (renouvellement compris) n’excède pas 18 mois.

Règle n°7 : Un CDD implique le versement d’une indemnité spécifique

Un CDD implique non seulement un socle contractuel précis, mais il emporte également un coût financier notable une fois que son terme est survenu.

En effet, à la fin du contrat, l’employeur doit verser au salarié une indemnité dite de précarité, égale à 10% de la rémunération brute totale versée pendant la durée du contrat.

Cette indemnité de fin de contrat n’est pas due dans 4 cas :

  • Le CDD est un contrat saisonnier
  • Le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires
  • Le salarié refuse d’accepter la conclusion d’un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente
  • Le CDD est rompu en raison de la faute grave du salarié

A cela s’ajoute naturellement le paiement des congés qui n’ont pas été pris par le salarié.

Règle n°8 : Un CDD ne peut être rompu que dans un nombre très limité de cas

Conclure un CDD, c’est accepter d’être plus sévèrement lié que par un CDI. En effet, une fois la période d’essai écoulée, seuls trois cas autorisent l’employeur à rompre le contrat de travail avant l’échéance du terme :

  • Le commun accord
  • La faute grave du salarié (une faute si grave qu’elle rend impossible la poursuite du contrat)
  • L’inaptitude médicale du salarié à occuper son poste

De cette règle en découle un « risque » de se retrouver coincé avec un contrat de travail, malgré toutes les raisons qui pourraient nous pousser à le rompre : plus assez de travail pour le salarié en CDD dans le cadre d’un accroissement d’activité (le contrat a été conclu pour une durée supérieure à l’accroissement d’activité), salarié qui ne répond finalement pas aux exigences techniques du poste (insuffisance professionnelle) … Ces hypothèses n’étant pas inclues dans la liste limitative susvisée, elles ne permettraient pas de mettre un terme au contrat sans l’accord du salarié.

En résumé : de sa conclusion à sa rupture, en passant par son exécution, le CDD suppose donc le strict respect d’un ensemble de règles précises. Il suppose d’accorder de l’importance à toutes les formalités légales, et d’être très prudent lorsqu’une rupture du contrat est envisagée.

Si vous souhaitez un accompagnement juridique durant chacune de ces étapes, les juristes de la FDSEA de la Somme sont à votre disposition.

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